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Cartographie des régions naturelles françaises (métropolitaines)

Posted by Penegal on 3 March 2024 in French (Français). Last updated on 5 March 2024.

Soyons honnêtes : nous avons tous entendu parler de régions comme la Champagne humide ou la Brie… mais sur OSM ?

Un peu de théorie

Une région naturelle, c’est quoi ?

Ce dont on parle ici, c’est une région géographique, qui peut être discontinue, mais généralement pas, qui possède des caractéristiques topographiques et géologiques distinctes des zones voisines, et qui est désignée par un nom désignant la zone comme un tout cohérent.

Prenons l’exemple de la Brie : un plateau au relief peu marqué, marqué de profondes vallées, anciennement boisé en grande partie mais maintenant souvent dévolu aux grandes cultures, et délimité par la Marne au nord, la Seine au sud, et la côte d’Île-de-France à l’est. Demandez aux gens qui y vivent s’ils sont en Brie : ils vous répondront que oui, et pourraient même probablement vous dire, mettons d’une ville, si elle est en Brie ou pas. Donc la Brie existe, et on devrait donc pouvoir la mettre dans OSM.

Ce qu’une région naturelle n’est pas

Attention, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes ! Par exemple, une région naturelle n’est pas nécessairement un pays au sens traditionnel du terme. Par exemple, le Pays-Haut en Lorraine : il y a plusieurs intercommunalités qui prétendent représenter tout ou partie d’un pays. Dans le cas présent existent la com’ com’ du Pays Haut Val d’Alzette (à vos souhaits !) et la com’ com’ Cœur du Pays Haut… sauf qu’il s’agit là de deux entités administratives, d’une part, et d’autre part que ces entités ne représentent qu’une partie du Pays Haut.

Par ailleurs, le Pays Haut est connu pour être limité, au sud, par le Rupt de Mad ; or les communes de la rive nord du Rupt de Mad ne font pas partie des com’ com’ précitées, comme Onville, qui relève de la com’ com’ Mad et Moselle… qui ne représente pas non plus une région naturelle.

Enfin, on trouve parfois des régions naturelles définies par des listes de communes incohérentes avec la définition géographique/topologique/géologique de la région naturelle. Par exemple, sur la page Wikipédia du Pays Haut, Onville n’est pas mentionnée dans la liste des communes du Pays Haut… alors même qu’elle est dans les limites géographiques du Pays Haut.

Si on ne dit pas clairement de quoi on parle, on a vite l’impression d’un gros bordel. Donc, pour mémoire : on parle ici d’une région définie par des caractéristiques physiques cohérentes ou des limites topographiques ou géologiques, que peuvent, ou pas, suivre la toponymie, les limites administratives, les départements…

Une région naturelle n’est pas non plus, par exemple :

  • une appellation alimentaire. Par exemple, la région naturelle du Beaujolais est plus étendue que le vignoble du Beaujolais ;
  • une appellation touristique. Par exemple, l’Office du Tourisme de Plombières-Remiremont, dans les Vosges, a lancé la marque Vosges secrètes pour mettre en valeur le territoire auprès des touristes. Certains slogans, comme Les Vosges Secrètes, un patrimoine naturel d’une beauté rare, peuvent laisser penser qu’il s’agit d’une région naturelle, mais une rapide recherche montre qu’il s’agit simplement d’une marque touristique ;
  • un pays administratif ou un PETR ; par exemple, la Déodatie, région autour de Saint-Dié-des-Vosges, est une appellation qui peut semer le doute. Cependant, une recherche rapide montre que, d’une part, ce terme désigne essentiellement la zone d’influence de la commune de Saint-Dié-des-Vosges, sans cohérence topologique, géographique, géologique… D’autre part, on se rend compte que le Pays de la Déodatie est un PETR, structure intercommunale visant à proposer une cohérence entre des territoires urbains et ruraux voisins ; il s’agit donc d’un outil d’aménagement et de gestion du territoire, un outil administratif, mais pas une région naturelle comme défini plus haut.

Dernier exemple : mettons un village nommé Trifouilly-en-Brie. S’appelle-t-il ainsi parce que ses habitants se revendiquent de la Brie ? Mais s’il est au sud de la Seine ? Ou si le nom veut simplement dire que le village, pour se distinguer de Trifouilly-lès-Cévennes, a voulu rappeler qu’il se trouvait près de la Brie ? Un exemple plus concret est donné plus bas ; pour le moment, remarquons simplement que la toponymie n’est pas forcément fiable non plus ; au mieux, c’est une indication.

À la limite…

Bien ! Donc, quand on essaye de modéliser ce genre de choses dans OSM, on bute très vite sur un problème : où est la limite de ce qu’on veut représenter ? Avec OSM, c’est encore plus dur, car le modèle de données (point/chemin/(multi)polygone) n’est pas conçu pour des zones floues et n’autorise aucune demi-mesure : on doit dessiner un polygon net par lequel tout point est soit dans la zone cartographiée, soit en dehors. Pas moyen de délimiter un objet flou, avec, par exemple :

  • une limite interne, à l’intérieur de laquelle on sait que tout fait partie de la région qu’on veut représenter ;
  • une limite externe, à l’extérieur de laquelle on sait que rien ne fait partie de la région qu’on veut représenter ;
  • une zone annulaire, entre les deux précédentes, qu’on pourrait appeler la zone p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non, qui recouvre la zone limite dont on ne saurait dire, en fait, si elle fait réellement partie de la région à représenter.

Par exemple, la Brie : on dit que c’est délimité par la Marne et la Seine… sauf que ces fleuves ont connu des divagations par le passé, ont des bras multiples par endroit, ont été rectifiés. Quel est le bon tracé pour la limite ? Est-ce le fleuve en lui même, d’ailleurs, ou sa vallée, tout simplement, qui est souvent considérée, comme pour la Bassée nogentaise, être une région naturelle en elle-même ? Est-ce le talweg de la vallée ? Sa bordure ?

Et pour la limite Est de la Brie, alors ? Bah, c’est pire. La côte d’Île-de-France, on sait ce que c’est : c’est une cuesta, une sorte de vieille falaise affaissée. Ça, en gros : cuesta cuesta_schema

Ce sont des couches géologiques relativement dures (en marron) que l’érosion et le pendage conduisent à former un escarpement. Bon, c’est le principe ; les cuestas, ça existe, et on en connaît plusieurs : côtes de Moselle, côte de Meuse… Les soiffards qui soufflent Côtes du Rhône peuvent sortir ; ça, c’est juste une appellation viticole, sans rapport avec une cuesta. On vous appellera, merci !

Une cuesta, ça peut aussi être une région naturelle à part ; en tout cas, c’est une zone plus ou moins étendue, de caractéristiques géologiques et topographiques définies, avec un nom désignant l’ensemble de la structure. En théorie, ça se cartographie ; d’ailleurs, l’IGN ne s’en prive pas : d’où pensez-vous que sortent ces mentions comme Vallage ou Pays du Der ?

Mais alors, si on veut donner la limite de la cuesta, comme OSM l’exige ? Ben nous v’la ben embêtés : il n’y a pas de limite claire. Prenons la question de la limite amont : prenons-nous le haut de la falaise ? Mais si des cours d’eau ont traversé la falaise ? Ou prend-on l’endroit où le terrain commence à s’incliner vers la falaise ? L’endroit où le terrain, en haut de la falaise, cesse de pencher dans une direction pour pencher vers l’autre ? L’endroit où l’assèchement du sol dû à la proximité de la falaise commence à se faire sentir ?

Et la limite aval, alors ? Prend-on le bas de la falaise ? Mais si elle est totalement érodée ? Ou alors va-t-on en bas de la zone d’éboulis en aval de la falaise ?

Nous v’la quand même ben embêtés : où c’est qu’elle est, la limite ? Est-ce qu’on doit s’abstenir de modéliser la Brie, parce qu’on ne peut pas dire au mètre près où sont les limites ? S’est-on empêché de modéliser les mers et les océans, dont les limites ne sont que conventions, souvent tracées à grands traits sur des dizaines ou des centaines de kilomètres en ligne droite ? Je prends le pari que non.

Mais où est-ce que tu veux en venir, bon rat de bon rat ?

Je prends le pari qu’on peut modéliser ces régions dans OSM, et que ne pas les avoir est un manque.

En foi de quoi j’ai commencé à modéliser les régions naturelles françaises. Le but de ce billet, au-delà de décrire le problème posé, est d’exposer la solution que j’ai trouvée pour y répondre. Cette solution est sans nul doute perfectible, et les choix que j’ai fait, contestables. Je vais décrire les choix que j’ai fait et continue à faire, décrire pourquoi, à mon avis, la solution que j’ai appliquée est la plus raisonnable, mais d’autres contributeurs à l’expérience différente pourraient avoir d’autres solutions qui vaudront bien les miennes, ou pourraient être meilleures. Je reste ouvert à toute amélioration qu’on voudra me suggérer ; d’ailleurs, en écrivant ces lignes, j’ai repéré deux ou trois points que je corrigerai à l’avenir.

En revanche, si c’est pour dire que ça n’a rien à faire dans OSM et que tout ça est à supprimer… Ces régions existent, c’est un fait ; que la méthode de modélisation soit contestable ne remplace pas ce fait. Nous devons, je crois, adapter OSM à la réalité, pas adapter la réalité à OSM.

Ensuite, j’ai déjà fait des dizaines d’heures de boulot pour modéliser tout ça, et je continue parce que ça me plaît de travailler sur ce thème et d’en faire profiter les autres. J’ai déjà discuté avec des contributeurs qui étaient très contents de voir quelqu’un bosser sur ce sujet et qui me souhaitaient bon courage pour la suite. Si je rédige ce billet, c’est pour leur donner envie de jouer avec moi, pas pour qu’on vienne jouer les rabat-joie. OSM, c’est aussi du fun !

Enfin, je ne suis pas un allumé qui prétend définir, à lui tout seul comme un grand, où est quoi, simplement au pifomètre. J’applique une démarche raisonnée, s’appuyant sur plusieurs sources d’information que je vais détailler, et, en cas d’informations divergentes, j’essaye d’appliquer un raisonnement logique pour arbitrer le conflit et le résoudre ; ce peut être imparfait, mais rappelez-vous également que les limites de régions naturelles sont, par essence, floues. Quand le plateau de Haye s’incline et devient de plus en plus plat et argileux pour finalement devenir la Woëvre, et que cette transformation se fait sur une bande de plusieurs kilomètres de large, qu’importe un placement de la limite entre les deux précise au mètre ?

Ajout dans OSM de régions naturelles françaises : un guide

Schéma attributaire…

… généralement reconnu

Ce n’est un secret pour personne : dès qu’on en vient à la topographie, les attributs et objets OSM courants sont lacunaires. Par exemple, veut-on modéliser une vallée ? Alors le processus indiqué est de tracer un chemin le long du talweg et de lui donner les attributs suivants :

  • natural=valley
  • name=Vallée de Ravines

Tout cela est bel et bien beau, mais on considère généralement, dans la vie réelle, qu’une vallée va d’une ligne de crête à l’autre, en tout cas que la vallée ne se résume pas à son fond.

… proposé pour le problème posé

place=region

Dans ce cas, on va utiliser un attribut venu du fond des âges sombres d’OSM : place=region. Cet attribut a été utilisé dans les premiers temps d’OSM pour tout et n’importe quoi, régions administratives et naturelles incluses et mélangées, et peut-être est-ce pour cela qu’il est tombé dans une relative désuétude. Depuis, on a utilisé admin_level=* pour beaucoup de ces endroits, mais ça n’est pas suffisant pour savoir ce que place=region désigne.

region:type=natural_area

Sans doute conscients de ce problème, certains contributeurs ont créé region:type=* pour indiquer de quel genre de région il s’agit. Cette clé, jamais standardisée, est connue pour avoir de nombreuses valeurs différentes, mais deux sortent du lot en constituant l’écrasante majorité des usages :

  • region:type=mountain_area, qui est essentiellement un double moins fréquent de natural=mountain_range, attribut bien plus utilisé. Ici, le manque de standardisation a encore frappé ; region:type=mountain_area est en toute vraisemblance voué à être redéfini comme un synonyme de natural=mountain_range, ou à disparaître à son profit ;
  • region:type=natural_area, qui, comme son nom l’indique, signifie que la région définie par place=region est une région naturelle, sans autre indication.

Il serait possible, en théorie, de donner d’autres valeurs à cet attribut, mettons region:type=woodland ou region:type=wetland, mais on perçoit d’emblée un premier problème : tout cela ressemble par trop à des attributs existants, comme natural=wood ou natural=wetland. Pas très clair, donc difficile à faire accepter.

De plus, cela revient à indiquer de quoi est faite la région naturelle ; un peu à la définir, en fait. Dans le cas de la Brie, qui est un plateau creusé de profondes rivières, dont le degré d’aridité et la couverture végétale varie, que mettre ? Si on reste général (region:type=plateau, par exemple), on en dit trop peu sur ce qui définit la région ; si on veut donner trop de détails, on se perd rapidement dans les nuances, les détails et les variations (region:type=plateau_river_bordered_east_cuesta_varying_aridity, par exemple). Autant utiliser description=*, dans ce cas.

Dans le doute, restons simple : c’est une région naturelle, donc region:type=natural_area. Évidemment, si c’est quelque chose de déjà couvert par un attribut plus courant, par exemple une chaîne de montagnes, ne réinventons pas la roue : natural=mountain_range ira très bien.

fuzzy=yes

On sait qu’une région naturelle a des limites floues, certes. D’un autre côté, il est peu courant de modéliser des zones floues, surtout avec une emprise se comptant en kilomètres carrés. D’autres contributeurs vont sans doute se demander ce que représentent ces patatoïdes de grande dimension qui ressemblent à des brouillons.

Il y a quelques années, la clé fuzzy=* avait été proposée pour indiquer qu’un objet OSM a un emplacement ou des limites vagues. La proposition a avorté avant d’être menée à un vote, mais l’attribut fuzzy=yes a fait son (tout) petit bonhomme de chemin. Son avantage par rapport à d’autres éventuelles propositions est qu’il est clair : l’emplacement ou les limites de l’objet sont floues, bien qu’on sache qu’il existe sur le terrain.

Par acquit de conscience, et puisque l’usage d’un attribut peu commun peut toujours être mal interprété, j’utilise également note="Natural area = fuzzy boundaries", afin de rappeler que les limites sont par essence floues et peuvent toujours être précisées. Ça fait un peu double emploi, mais ça ne mange pas de pain, et vu le contexte, ça ne peut pas faire de mal d’insister sur le caractère flou de l’entité OSM.

type=boundary + boundary=natural

Pourquoi pas type=multipolygon ? Honnêtement, je ne sais plus ; je pense que type=multipolygon pourrait être utilisé avantageusement, d’autant que bounday=natural n’apporte pas grand chose à la relation : le fait que ce soit une région naturelle est déjà décrit avec place=region + region:type=natural_area.

wikipedia=* / wikidata=*

Pas mal de régions naturelles ont un article Wikipédia francophone ou un élément Wikidata, alors autant faire le lien avec iceux.

Sources de données

Petit rappel : on parle de régions qui ont des limites topographiques ou géologiques, donc souvent floues. De ce fait, la définition des limites peut varier d’une source à l’autre, et jusqu’à l’existence d’une région peut être affirmée sur une source, et une autre peut n’en point faire mention ou affirmer qu’elle n’existe pas.

Dans ce cas, que faire ? C’est très simple : utilisez votre cerveau. Si Wikipédia vous dit qu’une région naturelle existe, et vous présente des sources pour cela, ou bien si seule Wikipédia vous le dit, sans sources, mais que d’autres sources mentionnent cette région naturelle, alors soit : elle existe sans doute. En gros, pour une région, vous devez recouper les informations jusqu’à avoir une certitude raisonnable que cette région existe bien. Évidemment, si vous êtes du coin ou que vous connaissez des gens qui en sont (du coin 😉), c’est bien mieux ; toutefois, dans ce dernier cas, rappelez-vous, là encore, que les limites sont floues et que les habitants des régions naturelles voisines pourraient avoir un avis différent du vôtre sur la limite entre vos régions naturelles respectives, avis qui peut être tout aussi fondé que le vôtre.

Enfin, certaines sources, par leur nature, sont plus fiables que d’autres. Aussi, je regroupe les informations sur une région naturelle d’après les différentes sources, puis je les hiérarchise par ordre de crédibilité (une carte à main levée ou de source inconnue, par exemple, est moins crédible qu’une description géographique cohérente entre plusieurs sources). Si j’ai une certitude raisonnable que la région naturelle existe, et que ses limites sont globalement claires, je passe à la modélisation, sinon je continue de creuser, ou j’abandonne si je ne peux avoir de certitude raisonnable ; pas question d’insérer dans OSM des données si je les considère encore comme douteuses !

Gestion des incertitudes et autres zones blanches

Si vous ne pouvez déterminer si une zone géographique fait partie de telle ou telle région naturelle, peut-être bien… que ce n’est pas le cas. J’ai déjà rencontré des zones, des agglomérations, des communes… pour lesquelles aucune source suffisamment fiable ne me disait à quelle région géographique les rattacher. Peut-être que ces zones n’appartiennent à aucune région naturelle reconnue ? Peut-être y a-t-il des régions qui étaient considérées comme des marges ou des pays vides, qui n’intéressaient pas grand monde, ou trop variables pour les traiter comme un tout cohérent ?

Quoi qu’il en soit, si vous ne pouvez pas rattacher une zone à une région naturelle, n’insistez pas : même si la zone en question appartient bien à une région naturelle, vous risquez surtout, en voulant à tout prix rattacher cette zone à une région naturelle, d’exagérer la valeur de telle ou telle information pour ensuite justifier un rattachement hasardeux. Donc : n’en faites rien ; si vous n’avez pas de certitude raisonnable, creusez, ou passez à autre chose ; une région voisine, par exemple.

Si vous n’arrivez pas à trouver les limites d’une région naturelle, essayez de déterminer celles des régions voisines ; à force de tourner autour, celles de la région aux limites non déterminées vont se dessiner en creux. Par exemple, les limites naturelles du Toulois ne sont pas clairement indiquées à ma connaissance ; en revanche, celles de la Woëvre et de la côte de Meuse, qui limitent le Toulois, sont plus facilement vérifiables, et là où la Woëvre et la côte de Meuse s’arrêtent commence… le Toulois !

Parfois, aussi, ce qui est donné pour une région naturelle… n’en est pas une. Combien de fois a-t-on entendu parler de pays de Nancy ou Lunévillois… mais n’est-ce pas simplement une façon commode de dire la région autour de Nancy ou ce qui est autour de Lunéville ? Cette appellation peut désigner une région naturelle, ou seulement ce qui est autour de, ce qui n’est en rien une région naturelle en soi ; c’est une région, c’est tout, mais pas forcément naturelle.

Enfin, il peut arriver que vous soyez coincés et que vous ne parveniez pas à déterminer, par exemple, qu’une région naturelle existe bel est bien. Dans ce cas, si vous êtes déjà convaincu que la région existe, vous pouvez être tenté de vous dire Oh et puis flûte à bec ! On dira que Wikipédia a raison, même sans source. Erreur ! Ne vous dites jamais, parce que ça vous arrange sur le moment, que telle source, pour ce cas particulier, est crédible, car vous allez probablement ajouter des informations erronées ou non vérifiées et ça n’est pas le but, qui est de donner des informations raisonnablement fiables. Recoupez encore, et, si ça ne suffit toujours pas à avoir une certitude raisonnable, passez à autre chose.

Wikipédia

Incontournable, bien sûr, mais pas infaillible : comme je l’ai expliqué, Wikipédia, en plus de pouvoir contenir des informations tirées du chapeau — on dit, pour rester poli, non sourcées, mais ça revient au même : c’est invérifiable —, peut contenir des informations contradictoires sur une même page, comme au sujet du Pays Haut.

Prenons l’exemple de la page sur le Vermandois. Que peut-on trouver comme informations sur cette page ?

  • Le Vermandois est une région naturelle, certes, mais également un ancien pagus, puis un comté, puis une partie d’un bailliage. Concrètement, pour vous, cela veut dire qu’il faut faire attention à ce que les informations que vous sélectionnez dans la page doivent bien parler de la région naturelle, et pas du comté ou du pagus, dont les limites tendent à changer dans le temps et ne coïncident pas forcément avec celles de la région naturelle.
  • Le Vermandois est indiqué comme voisin du Noyonnais, de la Thiérache, du Santerre, du Laonnois et du Cambrésis ; si la page du Vermandois ne vous dit pas où trouver sa limite avec le Laonnois, peut-être que la page Wikipédia du Laonnois vous le dira ? Si le Laonnois existe en tant que région naturelle, bien sûr.
  • Le Vermandois est donné pour inclure les agglomérations de Saint-Quentin, Ham, Vermand, Beaurevoir, Vendeuil et Bohain-en-Vermandois. Vermand, en particulier, est indiquée comme capitale passée hypothétique de la région ; toutefois, la carte dans l’infobox en tête de la page indique que Vermand serait en bordure de la région naturelle. Elle en fait probablement partie, mais ce n’est pas sûr (la capitale pourrait être celle du pagus, qui ne suit pas forcément les limites de la région naturelle, rappelez-vous), et vous pourriez être amené à la placer hors du Vermandois lors du tracé de la limite. D’ailleurs, cette carte de la région naturelle, est-elle fiable ?
  • On remarque également que des communes déclarent être liées au Vermandois, comme Bohain-en-Vermandois ; sont-elles voisines de la région naturelle ou incluses dedans ? Ce qui est certain, c’est que, si vous placez la limite extérieure à 50 km de Bohain-en-Vermandois, laissant cette commune loin du Vermandois région naturelle, vous faites probablement fausse route. Cherchez d’autres noms de communes du même genre ; ces points de repère peuvent grandement aider pour la délimitation.
  • Des cartes du Vermandois sont données, mais sans réellement préciser s’il s’agit de la région naturelle, du pagus, du comté, du bailliage… Ce sont des indications, uniquement, mais qu’on peut ignorer si elles sont incohérentes avec d’autres sources plus fiables.
  • Des informations géographiques sont données : le Vermandois serait une région constituée d’une plaine crayeuse et de mamelons sableux. Traversée par la Somme, elle comprend également des zones humides en particulier aux environs des deux villes principales : Saint-Quentin et Vermand. Ce genre d’informations est très important pour les recoupements : si, sur la carte géologique, vous voyez, en dehors de ce que vous pensez être le Vermandois, une région basaltique, donc dont la géologie est totalement différente de celle donnée ici, alors la limite entre les zones crayeuse et basaltique est probablement celle du Vermandois région naturelle. J’ai dit probablement : la description de Wikipédia n’est pas sourcée ; et si elle était fausse ?

MNT RGE Alti

À vos souhaits ! Par cet acronyme barbare, on désigne une couche WMS fournie par l’IGN (https://wxs.ign.fr/altimetrie/geoportail/r/wms?FORMAT=image/jpeg&VERSION=1.3.0&SERVICE=WMS&REQUEST=GetMap&LAYERS=RGEALTI-MNT_PYR-ZIP_FXX_LAMB93_WMS&STYLES=estompage&CRS={proj}&WIDTH={width}&HEIGHT={height}&BBOX={bbox}) qui montre le relief sous forme de nuances de gris. En anglais, on parle de hillshading, et l’IGN parle d’estompage, c’est-à-dire ça: hillshading

L’intérêt évident de cette couche, qui couvre toute la métropole, est que, si votre région naturelle est définie par des reliefs (cuestas, vallée, falaises, zone de collines…), vous voyez tous ces reliefs, et pouvez délimiter votre région de manière relativement précise. Par exemple, sur l’image précédente, qui montre la zone du pays d’Othe : cette région naturelle est définie comme une zone de collines boisées, délimitées au nord par la vallée creusée par une rivière. On voit rapidement que la zone au milieu de l’image, s’étendant vers la moitié inférieure gauche, semble bien correspondre. Si d’autres indications assez fiables sur les limites de la région naturelle sont disponibles, le tracé en sera très rapide.

Attention, toutefois ! L’estompage n’est pas une solution miracle : si votre région naturelle est définie sur des variations géologiques qui ne marquent pas le relief, l’estompage ne vous aidera guère. Mettons l’image suivante : hillshadingFlou

Mettons que vous avez une certitude raisonnable sur le fait que la partie gauche de l’image appartient à une région naturelle, et la partie droite à une autre. Clairement, l’estompage ne vous aidera pas, ou alors très indirectement.

Cartes géologiques

Le BRGM est une agence publique française, chargée entre autres de la cartographie géologique du pays. Peut-être avez-vous déjà vu les cartes géologiques que cette agence produit : geologiePapier

Bon, passons le code couleur imbuvable faisant penser à un caméléon devant un kilt. Remarquons également que, sur ces cartes, les routes et bâtiments sont anciens : le BRGM s’est plus soucié de donner des points de repère pour trouver la couche géologique présente à un point, que de faire une carte topographique proprement dite, car la raison d’être du BRGM, c’est la géologie, pas la topographie, qui est du ressort de l’IGN.

Deux types de cartes sont disponibles.

Cartes géologiques imprimées

C’est une simple numérisation des anciennes cartes papier (http://geoservices.brgm.fr/geologie?language=fre&FORMAT=image/png&TRANSPARENT=TRUE&VERSION=1.3.0&SERVICE=WMS&REQUEST=GetMap&LAYERS=SCAN_D_GEOL50&STYLES=&CRS={proj}&WIDTH={width}&HEIGHT={height}&BBOX={bbox}). Les codes couleurs varient selon l’emplacement, car les cartes couvrant différentes zones — on parle de feuilles — ont, pendant longtemps, été éditées séparément, sans forcément rechercher la cohérence entre les différentes feuilles. Enfin, comme dit avant, les points de repère sont parfois anciens, mais tout à fait acceptables, notamment les noms de cours d’eau et de villes.

À noter : ces cartes, au 1/50 000, ne s’affichent plus si on dézoome trop. Pour les niveaux de zoom plus faibles, on peut utiliser le service des cartes au 1/250 000 (http://geoservices.brgm.fr/geologie?language=fre&FORMAT=image/png&TRANSPARENT=TRUE&VERSION=1.3.0&SERVICE=WMS&REQUEST=GetMap&LAYERS=SCAN_F_GEOL250&STYLES=&CRS={proj}&WIDTH={width}&HEIGHT={height}&BBOX={bbox}), mais ce dernier ne couvre pas toute la France.

En plus d’un code couleur, les différentes couches géologiques sont indiquées par un code alphanumérique, appelé notation. Par exemple, la notation t8b est une couche dite Keuper moyen : dolomie moellon (Dolomie d’Elie de Beaumont). Il n’existe pas, à ma connaissance, de base consolidée des notations BRGM valable pour toute la France, mais vous pouvez en savoir plus sur le visualiseur InfoTerre en ligne: sélectionnez le thème Cartes géologiques, puis zoomez sur une région qui vous intéresse. Cliquez sur une des couches géologiques : le nom de cette couche vous sera donné.

Métadonnées

D’ailleurs, dans ce visualiseur InfoTerre : en cliquant sur Légendes, puis, dans la section Carte géologique imprimée 1/50 000 (BRGM), sur Accéder à la légende dynamique et aux notices, vous aurez le code couleur des différentes couches. En superbonus, et ça, ça peut vous sauvez la mise : en cliquant sur Notice, vous aurez de la notice de la feuille, à savoir un petit livret fourni avec chaque feuille et expliquant, en détail, la géologie locale, ses origines, ses caractéristiques… et, au milieu de tout cela, parfois, des informations sur les régions naturelles et leur limites.

Par exemple, en lisant la notice de la feuille de Saint-Saulge (référence BRGM 522), on apprend, dans le résumé à la page 7, que le territoire couvert par cette feuille se situe à la bordure sud du bassin de Paris, entre la Loire et le Morvan. Les plateaux calcaires du Nivernais constituent l’essentiel de sa morphologie. Ils sont interrompus, à l’Est, par la dépression du Bazois, qui recèle en son sein la structure majeure de cette carte : le horst de Saint-Saulge. On apprend donc, si on est rompus aux termes techniques, qu’autour de Saint-Saulge, entre Loire et Morvan, le BRGM déclare que :

  • se situent deux régions naturelles, le Nivernais et le Bazois — la seule existence de ces régions naturelles est donc, sinon certaine, au moins probable, sinon le BRGM n’en ferait pas mention ;
  • le Nivernais est constitué, au moins en partie, de plateaux calcaires, qu’on devrait donc pouvoir repérer sur les cartes géologiques et sur l’estompage ;
  • le Bazois, à l’est du Nivernais, est une dépression, avec au milieu d’icelle un horst nommé d’après la commune de Saint-Saulge, dont on peut donc supposer qu’elle se trouve sur ledit horst.

On peut continuer la lecture de la notice, qui contient des schémas d’ensemble de la géologie de la région couverte par la feuille, avec des informations géologiques supplémentaires et, surtout, des points de repère tels que les agglomérations présentes, ce qui peut grandement faciliter le repérage, au moins grossier, des limites des régions naturelles locales.

Cartes géologiques harmonisées

Accessibles également par WMS (http://geoservices.brgm.fr/geologie?language=fre&FORMAT=image/png&TRANSPARENT=TRUE&VERSION=1.3.0&SERVICE=WMS&REQUEST=GetMap&LAYERS=SCAN_H_GEOL50_SCAN&STYLES=&CRS={proj}&WIDTH={width}&HEIGHT={height}&BBOX={bbox}). Ici, le code couleur est le même sur tout le pays ; on a toujours l’impression d’être sous acide, mais au moins, le code couleur ne change plus en fonction de l’endroit où l’on se trouve. Cela étant, l’harmonisation a fait disparaître cours d’eau, routes, agglomérations… Si on sait déjà où on se trouve et que la région naturelle à cartographie est vaste, ça peut être utile de ne pas avoir les codes couleurs des couches qui changent sans arrêt, mais ça l’est globalement moins si la région naturelle à cartographier est petite, et dans un coin que vous ne connaissez pas bien, donc sans point de repère auquel vous référer.

Comment se servir de ces informations ? Démonstration par l’exemple !

Prenons la Forterre, une région naturelle de l’Yonne, bordée par la Puisaye, une autre région naturelle. Comment tracer la limite entre les deux ? La page Wikipédia de la Forterre nous indique que la limite entre les deux régions est donnée, sur le terrain, par la limite entre les couches du Jurassique supérieur (Forterre) et de l’Infra-Crétacé (Puisaye). Or, en se renseignant sur les notations géologiques des environs, telles que précisées dans la notice, on s’aperçoit que les couches du Jurassique supérieur ont des notations qui vont de j7a à j9, alors que celle du Crétacé inférieur vont de n3 à n7-c1. Si l’information de Wikipédia est corroborée par d’autres sources, on peut considérer que la limite entre Puisaye et Forterre se situe aux alentours de la limite entre les couches géologiques jx et nx.

Carte des régions forestières nationales

Ces cartes relèvent d’un organisme, anciennement distinct, appelé IFN. Le rôle de l’IFN est de fournir des inventaires forestiers nationaux, c’est-à-dire donner des statistiques sur l’état global des forêts françaises, publiques ou privées : leur composition en essences, leur surface, leur sol…

Évidemment, chaque parcelle forestière est unique par sa topographie, sa pente, son exposition, les essences d’arbre présentes, son sol… Un des rôles de l’IFN est donc de découper le territoire national en régions qui sont considérées, d’un point de vue forestier, comme homogènes. Ces régions sont hiérarchisées, comme les régions, départements, cantons… :

  1. les grandes régions écologiques métropolitaines françaises, aussi appelées GRECO — vous connaissez le goût de l’administration pour les acronymes. Elles sont chacunes identifiées par une lettre : par exemple, le C correspond au Grand Est semi-continental qui, comme son nom ne l’indique pas, va jusqu’au sud de Lyon ; en soi, cette division à grands traits du territoire ne nous est pas vraiment utile ;
  2. les sylvoécorégions, aussi appelées SER ; elles sont identifiées par la lettre de la GRECO à laquelle elles appartiennent, suivies d’un code numérique ; par exemple, la SER C 30, Plaines et dépressions argileuses du Nord-Est, appartient à la GRECO C, Grand Est semi-continental, et va grosso-modo de Charleville-Maizières à Sarrebourg, Vesoul et Chaumont. À cette échelle, c’est encore inutilisable pour les régions naturelles qu’on veut cartographier ;
  3. les régions forestières nationales — pas d’acronyme couramment utilisé, tiens ! Une sylvoécorégion peut être composée d’une ou plusieurs régions forestières nationales : par exemple, la SER C 30 comprend, entre autres, la région Woëvre et annexes (code 55.2). Le code importe peu, même si on notera qu’il mentionne un département couvert, au moins partiellement, par la région forestière (ici, la Meuse). Remarquons également, et incidemment, que la Woëvre est une région naturelle bien connue de la Lorraine. On constate donc qu’au moins certaines régions forestières nationales correspondent, au moins en partie, à des régions naturelles connues par ailleurs.

Il existe un service WMTS (https://wxs.ign.fr/environnement/geoportail/wmts?SERVICE=WMTS&VERSION=1.0.0&REQUEST=GetCapabilities, donnée LANDCOVER.FORESTAREAS, dite Régions forestières nationales) offrant des tuiles représentant les régions forestières nationales, telles que celle-ci : RFN

À noter : ces tuiles sont transparentes, donc on peut les mettre par-dessus une autre couche, comme l’estompage ou les cartes géologiques. Je les utilise généralement au-dessus de l’estompage, car elles peuvent, par exemple, faire ressortir des variations du relief qui seraient moins visibles qu’avec le seul estompage.

À noter également : les régions forestières nationales sont dessinées pour proposer des régions géographiques qui ont des caractéristiques forestières homogènes. L’IFN s’intéresse à la forêt, et ça a certaines conséquences, certaines directes, d’autres moins :

  • la principale : ces régions forestière ne recoupent pas forcément les régions naturelles. Par exemple, dans le cas de la région 55.2, dite Woëvre et annexes, cette région naturelle est d’une part nommée d’après la Woëvre, mais ne la recouvre pas nécessairement, d’autre part inclut des annexes, c’est-à-dire des régions similaires à la Woëvre, mais qui n’en sont pas forcément ;
  • inversement, une région naturelle peut exister sans que l’IFN n’en tienne compte. Par exemple, le Saintois, région naturelle au sud de Nancy, à cheval sur la Meurthe-et-Moselle et les Vosges, n’est pas reconnue comme une région à part par l’IFN, qui la considère simplement comme une partie de la région forestière 57.2, dite Plateau lorrain (numérotée comme la Moselle, donc rien à voir avec l’emprise du Saintois) ;
  • les régions naturelles sont des zones qui ont été considérées par les observateurs comme uniformes, mais si, dans une zone géographique, les variations de terrain, de géologie, de flore… sont trop rapides, les observateurs n’ont pas forcément pu conceptualiser de régions naturelles ; comme rien n’oblige à rattacher tout le territoire à une région naturelle, il est logique que certaines zones ne relèvent d’aucune région naturelle. En revanche, l’IFN est tenu de couvrir tout le territoire de régions naturelles forestières, même si ces zones n’appartiennent pas nécessairement à une région naturelle telle que définie dans cet article ; ainsi, le fait que l’IFN rattache une zone à une région forestière ne veut pas forcément dire qu’elle dépende d’une région naturelle ;
  • l’IFN donne parfois des limites arbitraires à ses régions forestières ; j’ai ainsi vu le tracé de la limite de la Beauce, selon l’IFN, suivre sur des kilomètres… une route départementale sur une zone plane. Parions que cette route n’était en rien une limite effective de région naturelle, mais simplement un repère commode pour un cartographe en mal de simplicité au moment de dessiner ses polygones.

On peut donc, compte-tenu de ces limites, classer les régions forestières dans les indices : ça peut aider à dessiner une région naturelle, mais ça ne prouve pas qu’elle existe, ou que sa limite est bien là où l’annonce l’IFN. En revanche, si on a pu montrer par d’autres sources que la région naturelle existe et que sa limite correspond peu ou prou à ce qu’indique l’IFN, clairement, la délimitation de l’entité OSM représentant la région naturelle peut être grandement simplifiée par l’utilisation des limites de la région forestière.

Edit: Fiches descriptives

Si les GRECO et les SER sont rarement utilisables en elles-mêmes, l’IFN les a dotées de fiches descriptives qui recèlent des informations sur leur emprise, leur géologie, leur topographie… qui peuvent, elles, s’avérer utile pour délimiter une région naturelle.

Régions agricoles

Il existe également un découpage de la France en régions agricoles ; l’idée est la même que pour les régions forestières, à ceci près que les critères pour définir une zone homogène sont agricoles et non pas forestiers. Je n’ai jamais utilisé ces données, d’autant qu’elles sont fragmentaires : on peut, d’après Wikipédia, obtenir un tableau du classement des différentes communes de France, rangées par région agricole, et certaines régions ou département publient ces informations sous forme de données géographiques. Toutefois, en plus des limitations des régions forestières, il est à noter que :

  • je n’ai pas pu trouver de fichier ou de serveur WMS qui couvrirait toute la France ; les données sont publiées de façon fragmentaire, et sans doute incomplète ou incohérente ;
  • les régions agricoles sont définies par territoire communal — on parle de ban, par chez moi, dans les Vosges —, or, comme dit plus haut, les limites de région naturelles recoupent rarement les limites administratives, d’autant plus que les premières sont floues par nature, les secondes nettes par nature.

J’aurais donc un a priori négatif sur l’usage des régions naturelles, tant du point de vue de la praticité de la chose que de sa précision, mais ça peut rester un indice permettant de lever un doute dans certains coins du pays. À voir…

Atlas de paysages

En 2000, il s’est passé beaucoup de choses. Entre autres promesses foireuses de gros vilain méchant bug de date qui va planter les centrales nucléaires et les couveuses de bébés chiots, a été signée la Convention européenne du paysage — si, si, ça existe ! Le but de cette convention était la reconnaissance de l’importance des paysages d’Europe, et la description de moyens de les préserver. Dans le cadre de cette convention ont été édités en France des atlas de paysages, à savoir des documents, souvent rédigés à l’échelle du département, qui découpent la zone étudiée en différentes zones à l’intérieur desquelles les paysages sont considérés homogènes. En gros, c’est de nouveau le principe des régions forestières, mais sur le domaine plus vaste des paysages.

Bien que le contenu de ces atlas soit cadré, et que les DREAL aient souvent chapeauté le processus d’élaboration, leur publication n’a pas été homogène : certains départements ont carrément fait un site web dédié à leurs paysages, d’autres ont délégué la publication au ministère chargé de l’écologie, d’autres enfin semblent même ne pas s’être donné la peine de les publier sur Internet, comme le département des Vosges, réputé n’avoir qu’un exemplaire papier à consulter sur place, sans doute en préfecture. On ne peut que constater que le côté pratique n’est pas toujours une priorité…

Quoi qu’il en soit, ces atlas contiennent, comme dit, un zonage de la zone étudiée — souvent le département, donc, mais pas toujours — en unités paysagères considérées homogènes. Comme on retombe dans un principe de zonage intégral de la zone considérée, les limites données aux régions forestières pour la cartographie des régions naturelles sont également applicables : zonage intégral de la zone étudiée en unités paysagères alors que la zone étudiée n’est pas nécessairement intégralement répartie en régions naturelles reconnues, découpage de la zone différent de celui du découpage en régions naturelles…

Ce dernier point est particulièrement prégnant, je trouve : alors que les régions naturelles ont des caractéristiques et des critères… naturels, eux aussi, les unités paysagères prennent également en compte des facteurs purement humains, comme l’occupation des sols, l’architecture, la répartition de l’habitat… Bref, des points parfois très éloigné des facteurs naturels à l’origine des régions naturelles. Par exemple, l’atlas de paysages de l’Yonne mentionne des unités paysagères — plaine de la confluence, agglomération d’Auxerre, plateau de Noyers… — qui ne sont reconnues que par cet atlas, et dont je n’ai pu trouver d’indice de reconnaissance par ailleurs au moment d’écrire ces lignes. Gare, donc !

Attention, toutefois, à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Dans le cas de l’atlas de paysages de l’Yonne, il donne des renseignements détaillés sur l’hydrologie, la géologie, la topographie… du département considéré qui peuvent être très précieux pour délimiter des régions naturelles. De plus, certaines régions naturelles reconnues, comme la Puisaye ou le Gâtinais — bien que découpées en plusieurs unités paysagères — sont décrites en détail, et leur existence est reconnue par cet atlas officiel, ce qui est donc un indice important et assez fiable concernant l’existence des régions naturelles, et peut amplement aider à leur délimitation dans OSM.

Contacts personnels locaux

Souvent, les régions naturelles sont connues de ceux qui vivent autour : comme dit précédemment, demandez à un habitant de la Sologne s’il y vit, il vous répondra sans doute que oui, et il pourra même peut-être vous donner une idée des limites de la Sologne. Alors, bien sûr, il est possible que les réponses de plusieurs locaux se contredisent entre elles, mais, si vous êtes dans le coin et que vous interrogez plusieurs personnes, par recoupement, vous devriez pouvoir vous faire une idée assez bonne des limites de la région, ou, au moins, de son existence en tant que région naturelle reconnue localement.

Par exemple, autour de Saint-Dié se trouve une petite vallée poétiquement appelée Trou de la Madeleine. Elle n’est pas référencée sur Internet et son nom n’apparaît nulle part sur place… mais tous les locaux que j’ai interrogés m’ont confirmé que cette vallée est connue sous ce nom, et qu’il est généralement considéré que les orages arrivant sur Saint-Dié depuis cette direction sont particulièrement violents. Bon, je vous passe les blagues salaces sur le thème Quand le Trou de la Madeleine est noir… ; le point principal est que tout le monde, dans le coin, connaît cette petite région comme le Trou de la Madeleine, au point qu’on peut utiliser ce nom pour se localiser. De fait, cette région naturelle existe.

GIYF (ou DuckDuckGo, ou Lilo, ou Yahoo!…)

Il peut arriver que vous ayez un doute sur l’existence d’une région naturelle, sur ses limites… que les sources précédentes ne permettent pas de lever. Existe-t-elle ? Sa limite passe-t-elle ici ou là ?

Dans ce genre de cas, une simple recherche sur Internet peut lever le doute. En effet, si de nombreuses pages mentionnent l’existence de telle région naturelle, ou que telle ville est largement considérée comme faisant partie de la région naturelle, c’est que c’est probablement le cas. Bien évidemment, comme pour toutes les sources ci-dessus, ça n’est en rien une preuve absolue, mais en cas de doute, cet élément peut faire pencher la balance en étoffant le faisceau d’indices existant.

Toponymie

Comme dit précédemment, les régions naturelles inspirent souvent des noms de communes. Par exemple, le Bazois a prêté son nom aux communes d’Aunay-en-Bazois, de Châtillon-en-Bazois et de Tamnay-en-Bazois. A priori, on pourrait penser que ces communes sont dans la région naturelle du Bazois. Toutefois, gare : et si le Bazois dont la commune tire son nom est le nom d’un ancien comté ? Et si le nom veut dire, en réalité, Aunay près du Bazois, pour affirmer sa volonté d’être proche du Bazois, ou pour se différencier d’Aunay-les-Bois et d’Aunay-sous-Crécy ?

La toponymie n’est donc qu’un indice de fiabilité relative : si ces communes sont à l’intérieur des limites de la région naturelle telles que vous pouvez les déduire d’autres sources, c’est une confirmation que la limite que vous avez déduite est probablement la bonne. Sinon, si ces communes sont près d’une limite incertaine, elles sont un indice comme un autre, qui peut être ignoré si cela se justifie.

Comment arbitrer entre différentes informations contradictoires ? Un cas concret

L’Argonne est une région naturelle généralement définie comme une région gréseuse entre les vallées de l’Aire et de l’Aisne. Lors du tracé des limites, nous devons considérer le cas de la commune de Dombasle-en-Argonne. Voici l’intégralité des informations trouvées sur cette commune :

  • son nom semble indiquer une appartenance à la région naturelle considérée ;
  • la carte géologique montre que, juste au nord de la commune, se trouvent des affleurements du même grès de l’Albien, appelé gaize, que celui qui se trouve en Argonne et qui définit en partie la région naturelle ;
  • la commune est en limite de la région forestière Argonne ;
  • elle est plusieurs kilomètres à l’est de la vallée de l’Aire, donc pas entre l’Aire et l’Aisne qui sont des limites couramment admises pour l’Argonne.

Comment trancher ? Évaluons la pertinence des informations relevées :

  • la toponymie est relative : le suffixe -en-Argonne peut désigner une proximité ou un rattachement à la culture de l’Argonne (pas à une entité administrative, puisque l’Argonne semble n’avoir jamais été unifiée politiquement) ;
  • la carte géologique montre que les affleurements de gaize au nord de la commune sont assez découpés et cernés de zones de calcaire du Barrois ; au contraire, la région de l’autre côté de l’Aire, qui fait partie du cœur de l’Argonne, montre une présence bien plus affirmée du gaize. Géologiquement, le rattachement de cette commune à l’Argonne est douteux ;
  • en voyant le dessin de la région forestière Argonne, on perçoit rapidement que le fait qu’elle inclue la zone au nord de la commune considérée s’appuie surtout sur la présence de bancs de gaize ; connaissant la relative rareté de zones gréseuses en Meuse, un département à dominante argilo-calcaire, il semble bien que le rattachement du nord de Dombasle-sur-Argonne à la région forestière Argonne soit plus une question de Puisque je dois rattacher cette zone à une région forestière voisine, laquelle y ressemble le plus ? Eh bien, l’Argonne, elle aussi gréseuse ! plutôt qu’une question de Est-ce que c’est bien dans ce qu’on désigne communément et géographiquement comme l’Argonne ?. En bref, ça sent la solution de facilité au moment de décider à quoi rattacher cette zone ;
  • puisque la commune n’est pas entre l’Aire et l’Aisne, il semble plus logique de ne pas la rattacher à l’Argonne.

Au final, on a évalué que les indices rattachant cette commune à la région naturelle de l’Argonne sont ou douteux, ou contradictoires avec d’autres indices. Dans l’ensemble, cette hypothèse de rattachement de la commune à l’Argonne, région naturelle, est donc à rejeter.

Intuition, intuition…

Au vu de ce qui précède, vous devez, je pense, commencer à comprendre que l’ajout des régions naturelles à OSM est un processus qui nécessite diverses capacités :

  • connaissances en géologie, topographie et toponymie ;
  • capacité de synthèse ;
  • arbitrage entre sources divergentes…

Enfin, si vous vous lancez dans cet exercice, vous comprendrez assez rapidement que l’intuition vous sera très utile. En effet, soyons réalistes : un cerveau humain ne peut gérer consciemment qu’une quantité assez limitée d’informations. Le cas que je vous ai présenté avec Dombasle-en-Argonne se pose à des dizaines de reprises au moment de délimiter une région naturelle. Dans beaucoup de cas, la limite est simple : c’est une vallée, une rivière ou une cuesta ; dans ce cas, la limite se repère simplement par la topographie (et quelques points de repère, mais on verra ça un peu plus tard).

En revanche, si la limite entre deux régions naturelles se situe, mettons, sur un plateau sans grande variation géologique ? Dans ce cas, les informations que vous trouverez seront souvent limitées ou contradictoires. Prenons la limite entre la Woëvre et le Pays Haut : le Pays Haut est le plateau directement au revers de la côte de Moselle, qui, vers l’Ouest, se transforme progressivement en large vallée argileuse, humide et peuplée d’étangs, la Woëvre, qui est coincée entre le Pays Haut et la côte de Meuse. Où tracer la limite entre la Woëvre et le Pays Haut ? Pas de différence géologique tangible entre les deux, seulement un paysage qui devient de plus en plus plat et humide…

Dans ce cas, il faudra de l’intuition… et de la largeur d’esprit. Le fait est que la limite entre les deux régions est très floue sur le terrain, mais OSM demande, comme dit précédemment, une délimitation nette. Dans ce cas, pour tracer la limite, vous n’avez d’autre choix que de négocier : en partant du Pays Haut vers la Woëvre, à quel point le terrain devient-il à ce point plat qu’il est doté de significativement plus d’étangs que dans le reste du Pays Haut ? Eh bien, mettons… à l’ouest de… ce point… ce point, et ce point. Voilà, j’ai tracé une limite. Elle est vague (plusieurs kilomètres entre les points ; JOSM, en particulier, n’aime pas ça), contestable, mais il en faut une, obligatoirement, et celle-ci en vaut bien une autre qui serait placée à 200 m plus à l’est ; même si on prenait cette autre possibilité, concrètement, ça changerait quoi ?

De plus, souvenez-vous : comment sont représentées ce genre de régions sur les cartes ? Généralement, elles sont représentées comme ceci : Harz

Sur cette carte du massif du Harz, en Allemagne, on voit apparaître les différentes régions naturelles autour de ce massif, simplement sous la forme de noms, courbés pour suivre la surface couverte par la région naturelle. En général, on rend seulement le nom de la région, approximativement en son milieu, mais pas ses limites ; c’est d’ailleurs ainsi qu’OpenTopoMap rend les régions naturelles, avec un rendu courbé du plus bel effet afin de suivre la forme générale de la région naturelle. Pour ma part, j’aime assez allez voir le résultat de mon travail sur ce rendu ; c’est classe ! 🤩

Oui, je sais, c’est contraire à tout ce qu’on vous explique depuis le début sur OSM : les entités doivent être claires, leurs limites très bien calées, on doit pouvoir étudier vos choix, toussa… Mais on est sur des régions naturelles, ici : il n’est pas toujours possible de mettre des limites claires. Le fait est que ces régions existent, qu’on le veuille ou non. Concernant la précision : quelle différence de nature avec, mettons, l’ajout d’un sentier en forêt avec seulement l’imagerie aérienne ? On sait qu’il est là, qu’il passe… à peu près par là, et puis il y avait un pont… par là, je crois. On est à une autre échelle, certes, mais, par nature, c’est une tâche similaire, qu’on peut faire sans problème.

Si ce travail de cartographie heurte votre sens de la rigueur, c’est compréhensible. Dans ce cas, laissez le travail aux autres, et amusez-vous à cartographier ce qui vous fait plaisir ; certains prennent leur pied avec ce travail de synthèse et d’interprétation, d’autres par des imports massifs ou de la micro-carto. Chacun ses plaisirs, du moment que tout le monde y trouve son compte et que ça améliore le contenu d’OSM !

Enfin, si vous cartographiez des régions naturelles, rappelez-vous que le fonctionnement d’OSM est itératif : il est toujours possible, et souhaitable, d’améliorer la précision. Si, en ayant fait de votre mieux, une région reste tracée très grossièrement… Rappelez-vous que :

  • c’est le propre d’une région naturelle d’avoir des limites imprécises ;
  • si vous trouvez ultérieurement une nouvelle source d’informations, il sera toujours possible (et conseillé, d’ailleurs) d’améliorer votre travail initial ;
  • lorsque vous cartographierez les régions naturelles voisines, il est probable que vous améliorerez du même coup le tracé de la première région naturelle.

Attention, toutefois ! Pouvoir améliorer ultérieurement votre travail n’est pas une excuse pour envoyer un tracé sous forme de carré, parce que la flemme, et puis je dois vraiment y aller, là… Non ! Faites les choses bien : si vous n’avez pas le temps d’y réfléchir, là, tout de suite, ou si vous estimez que vous n’avez pas assez d’informations pour trancher, ne touchez pas. Faites autre chose, une autre région naturelle, peut-être ; peut-être que vous y reviendrez plus tard avec les idées claires ? Peut-être que vous comprendrez subitement, plus tard dans la journée, comment les différentes informations s’imbriquaient pour donner un tracé cohérent ? Ça m’est déjà arrivé ! Quoi qu’il en soit : faites au mieux ; si vous avez l’impression que ce que vous faites n’est pas de qualité suffisante, ne l’envoyez pas dans OSM, car c’est probablement de qualité insuffisante. L’intuition, j’vous dis !

Procédure suggérée pour l’ajout d’une région naturelle

Maintenant, entrons dans le vif du sujet : comment cartographier ? Je m’appuierai sur JOSM et partirai du principe que vous y avez ajouté les couches WMS précédemment mentionnées ; sinon, il vous faudra adapter les instructions à votre usage…

Télécharger les informations OSM : requête Overpass

Les régions naturelles ayant généralement une emprise se comptant en dizaines ou centaines de kilomètres carrés, vous ne pourrez pas télécharger l’intégralité des données couvrant la zone : non seulement JOSM va pomper tellement de ressources que si, par miracle, il réussit à tout afficher sans planter, vous aurez à l’écran une vue extrêmement chargée, dans laquelle le zoom et le déplacement seront pratiquement inutilisables tellement ils seront lents… Jusqu’à ce que la charge mémoire et processeur ait fait fondre votre bécane, bien sûr !

Alors il va falloir être plus malin. Overpass est l’outil idéal, qui va nous permettre de ne télécharger que ce qui est pertinent, et de laisser le reste de côté. Voici la requête que j’utilise habituellement :

[out:xml][timeout:90][bbox:{{bbox}}];
(
  wr["waterway"="river"];
  nwr["place"="region"];
  wr["region:type"="natural_area"];
  wr["region:type"="mountain_area"];
  wr["natural"="mountain_range"];
  node["place"="city"];
  node["place"="town"];
);
(._;>;);
out meta;

Quelques explications pour ceux qui ne connaissent pas bien ce langage. Par cette requête, on récupère :

  • les cours d’eau principaux ;
  • les régions naturelles et chaînes de montagne ;
  • les villes principales (comme points de repère) ;
  • les relations incluant les éléments précédents.

Attention ! Un contributeur allemand s’est déjà plaint que j’avais cassé plusieurs relations utilisant le Rhin comme membre. Apparemment, ma requête ne télécharge pas tout ce qui est nécessaire, mais le fait de retélécharger les données dans JOSM avant d’envoyer les modifications dans OSM permet de contourner le problème ; toutefois, si un lecteur pouvait m’indiquer ce qui merdouille avec ma requête Overpass, j’apprécierais grandement !

Une fois qu’on a téléchargé l’emprise de la région naturelle, on peut commencer à bosser ; bien sûr, si on se rend compte que la région naturelle dépasse de la zone téléchargée à l’origine, on peut en télécharger un peu plus. De manière générale, il vaut mieux voir large et dépasser largement sur les régions naturelles voisines. De toute manière, cette requête Overpass ne récupère que quelques méga-octets, soit pas mal en-dessous du volume de données qui met JOSM à genoux ; en plus, rappelez-vous qu’en traçant une région naturelle, vous allez probablement retoucher ses voisines, alors autant toutes les avoir, ces voisines !

Évidemment, si vous savez que telle commune ou tel ruisseau est ou n’est pas dans la région naturelle, télécharger le ou les objets en question peut être très utile comme point de repère. Toutefois, ne téléchargez pas trop d’objets supplémentaires : en travaillant à faible niveau de zoom, JOSM tend à rattacher les nœuds que vous créez aux objets préexistants, et ça peut grandement complexifier les éditions ultérieures si votre région naturelle est rattachée, dans OSM, au coin de tel pré ou à l’angle de telle maison, a fortiori alors que la région naturelle n’a aucun lien direct avec ces éléments OSM.

À ce sujet, je vous conseille, autant que faire se peut, de ne pas rattacher les régions naturelles à d’autres types d’entités OSM, pour les mêmes raisons de facilité d’éditions ultérieures. Plus bas, je précise d’autres raisons de procéder ainsi.

Couches et sources utilisées

Par mon expérience, je constate que nombre de régions naturelles sont définies par leur relief et sont délimitées par des reliefs ou des vallées. De ce fait, j’utilise préférentiellement l’estompage, avec les régions forestières par-dessus : ces dernières ne sont pas très envahissantes, et cela permet d’avoir un rappel si d’aventure on s’éloigne trop de la région à cartographier. Si j’en ai besoin, j’affiche OpenTopoMap ou les cartes géologiques du BRGM ; OpenTopoMap, en particulier, est bien pratique : si, par un moyen ou un autre, vous avez une certitude raisonnable que la limite de la région naturelle que vous cartographiez passe environ 1 km à l’ouest de tel échangeur ou telle commune, avoir une couche de carte OSM est bien utile. Bien évidemment, utilisez la carte tirée d’OSM que vous préférez ; il n’y a pas qu’OpenTopoMap, dans la vie !

Dans le navigateur, je garde la page Wikipédia de la région naturelle, et aussi l’atlas de paysages du ou des régions administratives couvertes ; pour mémoire, les atlas de paysages sont généralement départementaux. Avant de me servir de Wikipédia et des atlas, j’évalue leur pertinence :

  • est-ce que la page Wikipédia est sourcée ? Est-ce qu’elle précise les régions naturelles voisines ?
  • si les régions naturelles voisines sont précisées sur Wikipédia, est-ce que leurs pages respectives existent et sont cohérentes entre elles ? Par exemple, si la page sur l’Argonne précise que cette région est séparée de la Champagne humide par l’Aisne, mais que la page sur la Champagne humide indique qu’icelle déborde des deux côtés de l’Aisne, il y a une incohérence à lever ;
  • est-ce que les atlas de paysages mentionnent la région naturelle considérée ? En un bloc ou en plusieurs ? Sur quels critères les limites de la région naturelle y sont-elles dessinées ? Si ce sont des critères architecturaux ou culturels, ou si les limites sont incohérentes avec les autres sources, il faut creuser la question.

Rappelez-vous : une partie essentielle du processus de cartographie des régions naturelles est de confronter les différentes sources, d’évaluer leur justesse et leur pertinence, et ensuite d’arbitrer, selon ces critères, les incohérences relevées lors des recherches. Il n’y a pas de guide détaillé sur comment résoudre telle ou telle incohérence, d’autant qu’une partie du processus est intuitive : soyez logique, utilisez votre esprit de synthèse, renseignez-vous, et ne cartographiez pas si trop d’incohérences ne peuvent être levées. Qui sait ? En cartographiant la région naturelle voisine, vous pourriez bien arriver à lever l’ambiguïté qui vous ennuyait tant !

Les choix que je fais pour le tracé

Utiliser une relation

On peut tracer un chemin fermé (un polygone, donc) ou une relation (type=boundary, donc). Lequel favoriser ? Étant donné que les régions naturelles ont souvent des limites en commun, la relation semble à privilégier, mais c’est à vous de voir.

Ne pas chercher à être trop précis

Comme je l’ai dit et répété, par essence, les limites de régions naturelles sont floues. Même si OSM nous oblige à tracer une limite nette, ce n’est pas une raison pour pousser le vice. Rappelez-vous l’exemple d’une cuesta : quelles sont ses limites ? Bien malin qui saurait le dire… De ce fait, tracez des limites raisonnables, mais sans chercher à entrer dans le détail. Pour vous donner un ordre de grandeur, une précision de l’ordre du kilomètre est, d’après mon expérience, tout à fait raisonnable. Si la limite vous semble rectiligne sur 10 km ou plus, faites un segment de dix kilomètres de long ; si cela vous gène car cela vous semble manquer de précision, une question : si un objet est rectiligne sur 10 km, que change concrètement l’ajout de nœuds intermédiaires ? Vous donnez l’impression que c’est plus précis, mais qu’est-ce, en réalité, si ce n’est l’ajout, dans la base de données, de nœuds superflus ? De bruit, en fait.

Oui, cela fait des patates anguleuses, mais si rien ne vous permet d’être plus précis, eh bien soit ; rappelez-vous qu’on ne rend pas, en temps normal, les limites de tels objets, on rend seulement leur nom. Si les limites sont anguleuses, on s’en fout !

Essayer, dans la mesure du raisonnable, de ne pas s’appuyer sur des objets existants (sauf d’autres régions naturelles)

Ceci contredit sans doute une habitude bien établie : si, par exemple, une rivière vient limiter un objet (pré, ban communal, réserve naturelle…), on a tendance à fusionner le chemin OSM représentant la rivière et celui représentant, mettons, la limite communale. Ça permet, entre autres, d’éviter d’insérer inutilement, dans la base de données, des chemins boundary=administrative si on peut simplement utiliser le chemin waterway=river existant. Pour ma part, je considère généralement ça comme une bonne pratique ; l’est-ce dans le cas d’une région naturelle ?

Je dirais que non, mais pas simplement pour enquiquiner le monde, hein ? Rappelez-vous : une limite de région naturelle, je le redis, est par essence floue. Par exemple, la Brie qui est limitée par la Seine, la Marne et la côte d’Île-de-France :

  • en ce qui concerne la côte d’Île-de-France, pas de doute : comme déjà dit, c’est une cuesta, donc les limites sont nécessairement floues. Rien de neuf sous le soleil ; notez que cette remarque reste valable si votre région naturelle est, par exemple, un causse, avec de gros escarpements qui s’étalent sur des kilomètres : où s’arrête le causse, où commence la gorge que le causse surplombe ? Là encore, on en revient à des approximations, donc inutile de prétendre être précis au mètre en suivant, disons, le début de la descente vers la gorge : qui nous dit que la gorge ne commence pas, en fait, au milieu de la pente ? C’est imprécis ; ne prétendons pas le contraire en créant des points partourt ;
  • en ce qui concerne la Marne et la Seine, qui sont censées limiter la Brie, l’affaire se corse. Certes, la rivière est censée limiter la région naturelle… partout, partout ?
    • si les méandres du fleuve forment un ventre, est-ce une poche de Brie cernée de 3 côtés par une autre région ? Dit comme ça, ça semble ridicule…
    • quand les rivières ne sont pas canalisées, rectifiées… le cours est mouvant, doté de plusieurs bras : quel bras choisir ? Si la rivière est maintenue entre des digues, on pourrait alors dire que les digues stabilisent, en quelque sorte, les limites de la région naturelle ? Pour ma part, cette idée me dérange : on aurait artificiellement stabilisé les limites d’une région naturelle ?
    • souvent, les vallées sont considérées elle-mêmes comme une région naturelle, comme le Val de Loire ; est-ce le cas de ces vallées ? Il faut vérifier pour en être sûr ; dans l’intervalle, utiliser la rivière elle-même comme limite est une vue de l’esprit, d’autant que les régions naturelles voisinant les rivières sont, là encore d’après mon expérience, souvent décrites d’une façon ou d’une autre comme un plateau ou une région surélevée surplombant la rivière, donc pas quelque chose limitée par la rivière elle-même, mais plutôt par sa vallée ;
    • enfin, les rivières suffisamment importantes sont souvent dans une large vallée alluviale, au sous-sol forcément assez différents des plateaux et régions entourant la vallée ; ce seul critère géologique suggère fortement que la vallée alluviale est, si ce n’est une région naturelle distincte, en tout cas une marge des régions voisines, la Brie en l’occurrence. Dès lors, pourquoi considérer le tracé exact de la rivière comme la limite de région naturelle ? Celle-ci pourrait tout aussi bien se trouver à 3 km de part ou d’autre ; dans ce cas, pourquoi utiliser un tracé de rivière, qui a souvent avec une précision de l’ordre du mètre ? C’est, là encore, prétendre à une précision infondée…

Pour toutes ces raisons, je ne cherche jamais à avoir une précision extrême, même si la limite d’une région naturelle est donnée comme une rivière : à quoi bon suivre tous les méandres dans le détail ? On travaille sur des zones aux limites floues, alors pourquoi prétendre à une telle précision ? C’est vain, et, accessoirement, vous ne vous facilitez pas la vie, car pour les raison de rectification, de canalisation, de divagations… précédemment citées, c’est se créer des questions auxquelles il n’existe pas de réponse.

Du coup, je trace la limite à peu près en fond de vallée, à peu près le long du haut de l’escarpement… et même si le haut de l’escarpement ou la rivière sont déjà tracés. Accessoirement, ça simplifie l’entretien de la relation représentant la région naturelle : ça vous évite d’avoir des dizaines de segments de rivières ; à la place, vous avez une poignée de chemins assez simples. Admettez que ça facilite l’édition de la relation, par exemple si vous vous rendez compte que la vallée est elle-même une région naturelle distincte.

Ne pas forcer les régions naturelles à partager des limites communes

Une tentation, quand on cartographie les régions naturelles, est de vouloir faire coïncider leurs limites respectives. Si deux régions naturelles voisines sont connues pour se toucher — ou peu s’en faut : rappelez-vous, on est sur une précision de l’ordre du kilomètre, ici —, pas de problème, on les cartographie comme telles.

Toutefois, il arrive que, malgré vos recherches, il existe entre les deux un genre de zone tampon qu’on ne peut pas réellement rattacher à l’une ou l’autre. Prenons par exemple la région de Vittel : on ne peut réellement la rattacher à aucune des régions naturelles voisines — Monts Faucilles, Xaintois et Ouest Vosgien. Dans ce cas, ne forcez pas les choses ! Rappelez-vous : les régions naturelles ne sont en rien tenues d’être limitrophes ; elles désignent des ensembles géographiques qui ne se touchent pas nécessairement, et s’ils sont séparés de plusieurs (dizaines de) kilomètres par une zone sans caractéristiques homogènes, il est tout à fait possible que cette zone n’ait jamais été considérée comme une région naturelle per se.

Dans ce cas, ne forcez pas le trait : si une zone ne peut être rattachée à ses régions naturelles voisines, ne l’y rattachez pas de force. Ce pourra de toute façon être fait ultérieurement, si vous vous apercevez qu’en fait, ce rattachement est justifié.

Une région naturelle peut être composée de plusieurs régions naturelles : adapter le tracé en fonction

Il arrive qu’une région naturelle soit composée de plusieurs régions naturelles, particulièrement si ces dernières se ressemblent entre elles. Par exemple, la Champagne humide est connue pour être composée, du Nord au Sud, du Perthois, du pays du Der, du Briennois et du pays d’Armance, ou Chaourçais.

Dans ce cas, faites comme pour toute autre zone géographique : visualisez l’ensemble des petites régions, puis utilisez les segments qui forment la limite extérieure de cet ensemble pour former la grande région naturelle. C’est ainsi, par exemple, que certains segments délimitant le pays d’Armance délimitent aussi la Champagne humide.

Cette pratique est importante tant pour représenter fidèlement les régions naturelles telles qu’elles existent — pour elles-mêmes, mais également en tant que partie d’une macro-région —, mais également pour des questions de cohérence des données OSM. Par exemple, le Morvan est généralement considéré comme la pointe nord du Massif central. Or, jusqu’à il y a peu, ces deux massifs étaient tracés par des entités OSM distinctes, sans limites communes ni segments conjoints. J’ai donc mis à jour leurs limites respectives pour représenter fidèlement le fait que le Morvan fait partie du Massif central, ce qui se traduit par des segments communs aux deux massifs.

Edit: inversement, j’ai déjà (rarement) eu le cas de régions naturelles données comme se chevauchant. Peut-être est-ce le résultat de régions définies sur des critères différents, ou à des époques différentes ? Quoi qu’il en soit, les sources paraissant solides pour les deux, j’ai considéré que c’était bien ainsi qu’elles devaient être cartographiées. Bien évidemment, ce n’est pas gravé dans le marbre : si une nouvelle source venait à permettre de trancher la question, il sera toujours temps de corriger cela.

Sourcer ses modifications

Comme je l’ai déjà dit, on est sur un processus reposant sur des données diverses, parfois éparses, qui sont confrontées par un processus reposant en partie sur l’intuition. C’est imparfait, pas toujours très précis, et un autre contributeur pourrait être d’un avis différents concernant tel ou tel point… Cela nous interdit-il d’avancer ? Non pas, mais quitte à faire tout ça, autant le faire bien, et, surtout dans ce genre de processus contestable, indiquer vos sources semble particulièrement indiqué.

Historiquement, on utilise l’attribut source sur les objets pour indiquer leurs sources respectives. Pour ma part, je préfère l’attribut source du groupe de modifications. L’usage historique se défend ; toutefois :

  • à chaque modification faite à une région, il faudrait, pour bien faire les choses, mettre à jour son attribut source ; soyons honnête, je n’y pense pas toujours, et je ne suis pas le seul, pour autant que je sache ; je ne vais donc pas prétendre mettre ces informations dans les objets OSM ;
  • a contrario, JOSM est assez malin pour mettre, de lui-même, les couches utilisées pour l’édition dans l’attribut source du groupe de modifications : même si j’utilise d’autres sources, par exemple dans le navigateur Web, il me prémâche le travail, alors pourquoi s’en priver ? Cela donne, par exemple, le préremplissage suivant : source=Estompage RGE Alti Metropolitain (relief); Régions forestières nationales (IGN) ; si j’ai utilisé l’atlas des paysages du département et les notices des cartes géologiques, j’ajoute ces mentions dans le champ source au moment de l’envoi, et boum ! La source pour toutes les modifications est donnée en une seule fois, au lieu de devoir reprendre chaque objet édité pour modifier son attribut source. Pratique ;
  • enfin, pour la cartographie de régions naturelles, on a rapidement tendance à utiliser de nombreuses sources de données, qu’on doit donc indiquer ; si on met ça dans l’attribut source des objets OSM, on a immédiatement des valeurs assez longues, et, au fil des éditions, on va vite taper la limite des 255 caractères possibles pour une valeur attributaire. Au contraire, si on utilise l’attribut source des groupes de modification, on passe outre cette limite : les éditions successives d’une région naturelle peuvent, au total, mobiliser des dizaines de sources — soyons fous ! —, mais puisque l’indication de ces sources sera ventilée sur les différents groupes de modifications sucessifs, il est bien moins probable d’être arrêté par la limite des 255 caractères.

Pour ces raisons pratiques, j’indique mes sources dans les groupes de modifications. C’est ma convention à moi ; vous pouvez tout à fait utiliser l’attribut source des objets OSM, mais c’est plus de boulot, et ça atteint plus facilement les limites techniques d’OSM. À vous de voir.

Conclusion

Voilà ! Même si c’est un peu brouillon — mais c’est mon blog, j’y fais comment que j’veux, d’abord ! —, j’espère que les explications que je vous ai données vous ont été compréhensibles. Je serai ravi si cela vous donnait envie, vous aussi, de cartographier les régions naturelles. Je serais moins ravi, bien sûr, si vous décidiez que j’ai fait de la crotte et que tout mon travail mérite d’être effacé, mais c’est comme tout contributeur OSM, je pense : on n’aime pas voir notre travail saccagé, à tort ou à raison. Je le redis : si cette pratique heurte vos convictions, faites sur OSM autre chose, quelque chose qui vous plaise ! Il y a bien assez à faire sur OSM pour que tout le monde y trouve son compte sans altérer le travail des autres simplement parce que ça ne vous plaît pas.

Comme je l’ai dit, les régions naturelles existent ; leur présence dans OSM semble donc justifiée. Évidemment, certains choix ou assertions que je fais sont contestables ; toutefois, je pense avoir fait des choix raisonnables, cohérents avec les caractéristiques propres aux régions naturelles, et surtout à leur nature floue. Je pense également avoir, dans la mesure du possible, offert une méthode qui tienne compte des usages d’OSM, tout en ne modifiant pas la nature des régions naturelles, essentiellement leur caractère flou.

Enfin, je suis bien évidemment ouvert à toute suggestion me permettant d’améliorer ma pratique de cartographie des régions naturelles ; toutefois, ne m’en veuillez pas de résister à vos suggestions, si intelligentes puissent-elles être. J’ai pas mal réfléchi à ma pratique pour la rendre cohérente et logique, aussi est-il probable que je résisterai un peu avant de me remettre en question, même si vous avez raison. C’est humain, paraît-il !